samedi 26 janvier 2008

La LCR se divise : le sarkozysme, "contre-révolution" ou "continuité" ?

Quel nom donner au sarkozysme ? Après l'ouvrage d'Alain Badiou - De quoi Sarkozy est-il le nom ? (Lignes, 14 euros) - qui taxait le président de la République de "pétainisme rampant", c'est aux militants de la Ligue communiste révolutionnaire, réunis en congrès à Saint-Denis, de se poser la question. Rupture à droite, voire "contre-révolution conservatrice" ou simple durcissement du projet libéral : les termes du débat ont opéré une césure au sein de l'organisation trotskiste entre une majorité refusant de "dramatiser" la victoire du candidat UMP en mai 2007 et une minorité qui assure que M. Sarkozy est lancé dans une entreprise de "démolition" des valeurs traditionnelles de la société française.

La minorité emmenée par Christian Picquet avait d'emblée posé le décor de son analyse dans sa plate-forme soumise aux congressistes. Le sarkozysme est, à ses yeux, une droite "nouvelle" dans la lignée de Margaret Thatcher et George Bush, rompant avec le chiraquisme. S'inspirant de la droite néoconservatrice américaine, la démarche de Nicolas Sarkozy opère une "rupture" avec l'histoire de la "nation politique" française, son modèle social, les acquis du Conseil national de la Résistance.

"C'est une volonté de déclarer une guerre totale au modèle républicain français et à l'idée même de démocratie", a lancé M. Picquet. Il en veut pour preuve la volonté d'imposer "un retour à une société d'ordre et de valeurs", "la prééminence des religions" donnant aux différentes confessions le soin de "l'encadrement moral de la société" et les "attaques sans précédent contre le mouvement ouvrier". "Il faut comprendre la gravité de ce à quoi nous sommes confrontés", insiste Francis Sittel, membre du même courant.

"RÉSISTANCES SOCIALES"

La direction refuse un tel pessimisme. Pour les animateurs, il y a une "continuité" dans la politique de la droite. "Sarkozy a fait un pas de plus, mais l'offensive avait été ouverte par Balladur et Fillon", estime Yvan Lemaître. "Il y a une accélération, mais pas de rupture", renchérit Christine Poupin, membre du bureau politique. D'autres proches d'Olivier Besancenot ne rejettent pas le terme de rupture. Mais avec un bémol : "Sarkozy n'est pas Thatcher. Il n'a pas cassé les résistances sociales", tempère François Sabado.

La discussion sémantique a son importance, au moment où la LCR entend donner le coup d'envoi de la création d'un "nouveau parti anticapitaliste". "Si on pensait qu'on était dans une situation de recul absolu du mouvement social et de la gauche, on ne s'amuserait pas à lancer notre projet", assure Pierre-François Grond, membre de la direction. Vendredi 25 janvier, les militants semblaient majoritairement approuver une telle analyse.

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